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le camp

espèce de journal

... comme un lego

Publié le 5 Juillet 2016 par oxycontin derniersjours

... " La faiblesse des tout-puissants

Comme un légo avec du sang
La force décuplée des perdants
Comme un légo avec des dents
Comme un légo avec des mains
Comme un légo...

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En bordure verte de la nationale 7, une femme fait des signes avec sa canne blanche, tente d'arrêter une voiture. Elle veut « qu'on l'emmène au super U ». Son histoire n'est pas si compliquée. Il ne lui reste qu'un seul ticket déjeuner. Ici curieusement, en centre ville, il n'y a pas de commerçant pour accepter ce moyen de paiement. Je lui donne deux euros. Mais cela ne lui suffit pas. Cela ne lui convient pas. Elle me propose alors de lui racheter son ticket restaurant. Comme j'accepte, en cherchant la monnaie dans ma poche, je calcule que cette femme au gourdin blanc aura gagné 9 euros, car son ticket, je lui rachète 7 euros. Et je vois bien qu'il est périmé. Il est daté de 2012. Je sais que nous sommes en 2013. Je la regarde s'éloigner dans le rétroviseur et je m'apprête à démarrer et puis je stoppe tout : une dizaine de mètres plus loin un chat vient de se faire heurter par une voiture. Un beau chat noir, au milieu de la route. Nous sommes le 14 juin, il fait un temps gris et lourd. Parfois le soleil perce avec effort des nuages compacts. Le sang du chat coule sur son pelage de fauve adorable. Une petite mare de sang commence à se former sous sa tête. Je descends de voiture et vais ramasser ce chat noir qui est mort aujourd'hui. Je ne peux pas le laisser là, au soleil, sous les roues des voitures et des camions. Je le dépose sur le talus qui borde cette route muette. J'ai les mains pleine d'un liquide chaud et légèrement collant. Je regarde le ciel. M'essuie les mains sur mon jean noir. Allume une cigarette. Je me dis que je n'arriverais jamais au bout de ce putain de voyage. Tout est trop bien organisé par je ne sais qui. Je n'en ai rien à foutre. Je traverse le désert depuis toujours. Et nous sommes des milliers. Mais je suis le seul à porter un chapeau de feutre vert. J'aime croire que ce chapeau est unique. L'espoir de l'idiot est un truc surprenant, quand la nuit tombée enfin, le silence revenu, on se laisse aller à écrire. Il est 23 heures 40.

(extraits notes 2013 marcel tournebize)

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